Chapitre 9 : Honte Prosociale
La honte dans la surconsommation compulsive est un concept complexe, pouvant à la fois perpétuer et stopper le comportement. La littérature psychologique distingue la honte de la culpabilité : la honte affecte l’image de soi, tandis que la culpabilité concerne nos actions. Cependant, dans l’expérience vécue, ces deux émotions sont souvent indissociables, mélangeant regret, peur du châtiment et terreur de l’abandon. La réponse d’autrui à nos transgressions influence notre expérience de la honte. La honte destructrice, aggravée par le rejet et la condamnation, renforce le comportement problématique. À l’inverse, la honte prosociale, atténuée par l’acceptation et la guidance, favorise l’arrêt ou la réduction du comportement honteux.
Honte destructrice
La honte destructive est un concept complexe dans le contexte de la surconsommation compulsive. Lori, une patiente, reflète cette problématique. Elle se sentait constamment en décalage, déclenchant une spirale d’auto-consommation compulsive pour échapper à ses problèmes. Malgré ses tentatives de s’ouvrir à sa communauté religieuse, elle était découragée de partager ses luttes, renforçant son isolement et sa consommation.
Cette réaction illustre la honte destructive : la surconsommation engendre la honte, menant à l’évitement ou au mensonge pour éviter le rejet, aggravant l’isolement et perpétuant le cycle de la consommation. Les études montrent que l’implication dans des organisations religieuses réduit généralement la consommation de drogues et d’alcool, mais si ces groupes encouragent le secret et le mensonge, ils contribuent à la honte destructive. La honte prosociale pourrait offrir un antidote à ce cycle destructeur.
Les Alcooliques Anonymes comme exemple de honte prosociale
L’histoire du mentor de l’auteur démontre comment la honte peut être un moteur de changement. Cachant sa consommation d’alcool à sa famille, la honte ressentie lorsqu’il fut découvert par sa femme l’a poussé à chercher de l’aide chez les Alcooliques Anonymes (AA). L’AA a agi comme un processus de “de-shamifing” (c-a-d renverser le sentiment de honte), offrant un espace où il pouvait être honnête et accepté, facilitant l’auto-pardon et le changement.
La honte prosociale, contrairement à la honte destructive, utilise la honte de manière positive et constructive, en préconisant l’honnêteté radicale et en menant à l’acceptation et à l’empathie, avec un plan d’action clair pour réparer les torts. Cette approche augmente le sentiment d’appartenance et réduit la consommation compulsive.
Un autre patient, Todd, a trouvé dans l’AA un lieu sûr pour exprimer sa vulnérabilité. L’auto-évaluation honnête quotidienne, un élément clé des 12 Étapes de l’AA, lui a permis de mieux comprendre ses propres défauts et de réagir de manière plus objective aux lacunes des autres.
L’AA, en tant que modèle d’organisation pour la honte prosociale, encourage l’adhésion aux normes du groupe et crée un environnement où la rechute devient une opportunité de renforcer l’empathie et l’altruisme au sein du groupe, tout en éloignant les “profiteurs” qui menacent la cohésion du groupe. Joan, une autre patiente, a renforcé ses liens avec l’AA en acceptant de redéfinir sa date de sobriété après une consommation accidentelle d’alcool. Lori, ayant échoué à trouver un soutien dans son église, a finalement trouvé la communauté et l’acceptation qu’elle cherchait à l’AA, ce qui a été crucial pour sa guérison et sa sobriété.
Honte prosociale et parentalité
En tant que parent inquiet du bien-être de ses enfants dans un monde saturé de dopamine, l’auteur intègre les principes de la honte prosociale dans la vie familiale, en établissant l’honnêteté radicale comme valeur fondamentale. Reconnaître et admettre ses erreurs devant ses enfants crée un espace pour leur propre honnêteté et apprentissage. L’exemple de l’auteur, ayant mangé les chocolats de Pâques de ses enfants puis menti à ce sujet, illustre l’importance de l’aveu de ses fautes. Cet acte renforce la conviction familiale que l’erreur est humaine et ne conduit pas à une condamnation permanente.
Cette approche d’honnêteté radicale sans honte est également cruciale pour enseigner aux enfants leurs forces et faiblesses. L’histoire de sa fille et des leçons de piano montre l’importance de l’auto-évaluation précise. L’acceptation de ses limites musicales a encouragé sa fille à se concentrer sur ses véritables talents.
L’expérience familiale de l’auteur démontre que l’intimité et la connexion émotionnelle profonde naissent de l’acceptation malgré nos imperfections. Ce type d’intimité est bénéfique et sain, contrairement au plaisir éphémère des plaisirs superficiels. Enfin, l’auteur souligne comment elle et son mari ont renforcé les “biens communs” de leur famille en imposant certaines restrictions, comme l’interdiction des téléphones portables jusqu’au lycée, favorisant ainsi une identité familiale unique et un sens de l’appartenance.